La malédiction s’était levée comme si de rien n’était. Quand ses souvenirs lui revinrent, ce fût comme une décharge électrique dans tout son corps, le paralysant quelques peu sous la violence du choc, tandis qu’il s’apprêtait à photographier une espèce de fleur sublime dans les bois. Aymeric mit plusieurs minutes à récupérer son souffle, les images défilant dans sa tête étant tellement contradictoire avec ce qu’il avait pu vivre ici, dans cette ville imaginaire du Maine. Le choc était si grand, et l’image de Maja si vivace que le Prince des fées crût bien défaillir le temps d’un instant, enveloppé dans une bulle d’ivresse mais aussi de profonde cruauté. Cette malédiction en était belle et bien une car aujourd’hui, ainsi enfin éveillé, il avait honte, ressentait une terrible colère envers sa personne. L’être féerique qu’il était supposé être. Oh il avait brisé bien des lois en ce monde, fait de nombreuses erreurs. Différent. L’on ne pouvait dire que Aymeric et Cornelius soient réellement identiques, pourtant ils ne formaient plus qu’une seule et même personne, car les souvenirs de Storybrooke, eux, ne disparaîtraient jamais. Pendant un laps de temps de quelques secondes, l’idée d’une potion d’oubli lui traversa l’esprit, mais ce serait hélas beaucoup trop facile, et rien de ce qu’il n’avait fait ne pourrait être oublié par les autres. De plus, il était hors de question qu’il touche à la magie dite « noire » pour espérer que chaque habitant oublierait les atrocités qu’il aurait pu faire. Combien d’entre eux, d’ailleurs tomberaient des nus en se rendant compte de qui était qui ?

Cornelius lui-même faisait face à son autre identité, et comprenait enfin qu’Astrid, celle qu’il observait et scrutait depuis des années, n’était autre que sa propre femme. Voilà pourquoi il semblait avoir toujours eu une sorte d’attirance et de fascination pour elle. Mais aujourd’hui, maintenant que la malédiction était brisée, il ne se sentait pas le courage de lui faire face tout de suite. Et cela prendrait au moins plusieurs heures avant qu’il ne se décide à prendre le taureau par les cornes et ne se jette à l’eau. L’on n’entendit pas parler de lui pendant deux journées entières, personne ne le verrait car il resterait cloîtré chez lui une fois rentré de cette forêt.


Perdu entre ses remords et ses envies de rester comme il était (à quelques détails près, Cornelius avait un très bon fond), se sentant plus libre, Aymeric craignait encore de faire face à Astrid. Elle-même n’était venue frapper à sa porte, ce qui laissait présager qu’elle lui en voulait peut-être déjà, ou bien qu’elle estimait tout simplement ne pas avoir à faire le premier pas. Laissant un soupir s’échapper de ses lèvres, le brun passa une main négligente dans sa tignasse, faisant apparaître quelques bouclettes significative lui indiquant qu’il serait sans doute temps de passer chez le coiffeur. Une barbe naissante de deux jours (ou peut-être plus) était apparue et sur le coup il paraissait réellement être un homme négligé, ou du moins, quelqu’un qui avait réfléchi et s’était torturé l’esprit pendant des heures. Ce qui, au fond, était le cas.

Pourtant, malgré cette apparence, le Prince des fées avait pris soin de s’habiller convenablement et de façon plutôt « à la mode » pour quelqu’un qui ne venait pas de ce monde. Cornelius était enfin résolu à aller parler à sa chère et tendre Maja, mais la tâche ne serait pas aisée, il s’en doutait.

Sans savoir si elle travaillait encore ou non auprès des fleurs, ses pieds l’emmenèrent jusqu’à la rue principale de Storybrooke qui contenait les différents commerces. A présent, il pouvait reconnaître tout le monde (ou presque), et se rendre ainsi compte qu’il avait eu une relation intime avec plusieurs jeunes femmes de contes différents… Dont la Reine Blanche. Jamais il n’aurait cru cela possible si la malédiction n’avait prouvé le contraire. Aymeric se positionna bientôt en face de la boutique de fleurs d’où s’échappaient les plus doux parfums. Il y avait également le salon de thé, quasiment juste en face où il avait passé le plus clair de son temps pour observer la jeune femme rousse.

Devinant la silhouette féminine à l’intérieur, le cœur du Prince se serra. Il avait fait tant d’erreurs. L’on aurait pu dire que ce n’était pas de sa faute, mais intérieurement il le savait, cette malédiction avait changé plusieurs aspects de sa personnalité. Malgré tout, Cornelius était toujours présent, là, quelque part, mais il aspirait à plus de liberté et surtout, à l’opportunité de rester de taille humaine, ce qui changeait considérablement de sa taille de fée à Fairyland. Il n’y avait que deux choses qui manquaient à sa vie, la première étant la plus importante : sa femme et ses ailes.

Le jeune homme patienta un moment avant de finalement traverser et pousser la porte menant à la boutique. La petite clochette retentit comme un son adorable, et à la vue de la chevelure rousse, le cœur d’Aymeric chavira.

« Maja. »

Astrid arrangeait les fleurs de sa boutique ce soir là, faisant le point sur ses stocks. Celles qui étaient invendables étaient recyclées pour un autre de ses hobbies. Bien qu’elle en fasse peu de publicité, la jeune femme avait quelques dons avec ses doigts. Oui, des doigts de fées selon certains, parce qu’elle parvenait à changer la forme d’une tige pour que sa création soit originale. Ainsi, ses roses pouvaient former des coeurs. Un savoir faire plutôt exceptionnel qui la démarquait sans doute des autres. Alors qu’elle replaçait une jonquille et arrosait une orchidée, dans le calme de la nuit qui s’était installée, la malédiction tomba.

En un instant, un flot de souvenirs s’imposèrent dans son esprit, le martelant le crâne aussi sûrement qu’un marteau sur une enclume. La douleur qui lui vrillait les tympans lui fit lâcher son arrosoir qui tomba sur le sol. L’eau gicla et se répandit en une flaque qui lui mouilla les pieds. Elle ne prendrait conscience qu’à la fin de ce défilé d’images des dégâts. La fleur de sa naissance, sa mère, le rat, la taupe... Et Cornelius. Elle était mariée et aimait un homme, une fée, un Prince. Son coeur s’emballa alors que les images se superposaient. Cornelius, aujourd’hui un photographe et surtout une fréquentation à éviter. Un homme à femmes aussi, si l’on prenait en compte les rumeurs. Mais maintenant ? Froid. Oui, ses pieds étaient gelés. Baissant les yeux, elle grogna et recula avant de courir chercher une serpillère pour nettoyer. Comment tout cela était-il possible ? Et puis surtout... Non, tout ça était de trop. Elle entendit du bruit et sortit dans la rue, trouvant d’autres âmes aussi perdue et égarée qu’elle. Certains lui étaient désormais connu. D’autres, non. D’où venaient-ils ? Qui étaient-ils ?

Elle sentit son portable vibrer dans sa poche. Baissant les yeux, elle l’attrapa. Une amie. Elle décrocha, celle-ci était en pleurs et en panique. Déglutissant, Astrid lui proposa de la rejoindre. Elles purent à ce moment là discuter et se rassurer l’une l’autre ou bien constater à quel point elles étaient perdues vis à vis d’hommes qu’elles avaient oublié. Finalement, cette amie était venue chez elle et elles avaient passé les jours suivant ensemble, comme pour se protéger d’un monde qui leur paraissait bien trop dangereux. Voici comment elle se souvint de Poucette et Maja.


Revenue dans sa boutique, Astrid ne compta plus ses heures pour tout remettre en état. Il lui fallait des fleurs fraîches pour remplacer les fanées. Les heures purent s’égrener sans qu’elle n’ait trop le temps de ressasser toute cette histoire.

Pourtant, les moments où elle avait essayé d’y réfléchir lui avaient seulement confirmer une chose : elle ne voulait pas retourner à Fairyland. Elle était pour la première de sa vie « normale ». Elle n’était pas petite, n’avait pas besoin des ailes d’un autre et se sentait libre. Mais Cornelius étant un Prince, il lui parlerait probablement de devoir et de responsabilité et il lui faudrait alors choisir... Elle n’avait donc pas cherché à le voir. C’était plus facile.

Résolue à nier l’évidence et à vivre dans l’illusion d’une vie normale, la rouquine n’alla pas à sa rencontre. Elle ne le vit pas arriver, tournant le dos à l’entrée. En entendant la clochette, elle se redressa et se retourna avec un grand sourire pour accueillir ce client. « Bon... ». Ce sourire s’effaça de son visage alors que ses yeux s’écarquillèrent. C’était lui.

Cornelius lui faisait face. Ou Aymeric. Ou Cornelius. Comment devait-elle l’appeler ? Son coeur tambourinait dans sa poitrine. Elle était effrayée. Tétanisée. Il n’était pas rasé et avait une allure plutôt négligée, une chose difficilement supportable pour la jeune femme coquette et toujours bien apprêtée qu’elle était. Il y avait un décalage entre sa tenue et son apparence. Ieurk. « Cornelius ? ». Elle l’interrogeait du regard. Qui avait-elle en face d’elle ? Elle-même ne savait plus qui elle était. Maja. C’était le nom qu’il lui avait donné. Elle n’était pas sûre de vouloir l’entendre à nouveau. Le suivre, se faire donner un prénom... Ici, on lui dirait qu’elle ressemblait à un toutou qu’il promenait en laisse. Et cette laisse, elle n’en voulait plus.

Alors que la sonnette retentissait et qu’il s’avançait vers elle, sa respiration s’était arrêtée. Il ignorait comment elle réagirait, tout comme il ignorait ce qu’il aurait à lui dire… Comment pouvait-on savoir après tant d’années ce qu’il fallait dire ? Tant d’années à avoir vécu quelque chose de différent, à avoir été un autre, un être bien différent de ce qu’il avait été à Fairyland. Comment une malédiction pouvait-elle vous changer et vous bouleverser encore malgré toutes ces révélations ? Cornelius était un être de lumière, un véritable soleil lorsqu’il chevauchait le vent des forêts et des champs de Fairyland, mais aujourd’hui, il n’était plus que la face cachée de la lune, lumière froide et imprévisible. L’on avait beau croire qu’Aymeric était un mauvais bougre, ce n’était pas forcément le cas, il était juste beaucoup plus sombre que ce qu’avait été le Prince des fées par le passé. Si Aymeric n’avait pas retrouvé cette mémoire, il se serait probablement moqué lui-même de son titre : Prince « des fées ». Ce n’était pas vraiment viril si on regardait bien, et pourtant, il ne se moquait pas, car Cornelius, cette part de soleil était enfouie là, au plus profond de son être et de sa mémoire fraîchement retrouvée. Pourtant, comment faisait-il pour regarder Maja en face ? Après tout ce qui s’était passé. C’est qu’il avait été plutôt « stalker » avec elle lors de ces années d’ignorance, la trouvant belle et si agréable à regarder, voire presque inaccessible.

Le temps s’arrêta au même instant que les prunelles de la rousse sur lui. Les yeux dans les yeux, Aymeric restait stoïque, un peu pataud. S’il avait été plus timide que cela, il se serait probablement dandiné d’un pied à l’autre, maladroitement, comme gêné d’être face à elle. Aymeric avait beau avoir des tords, Cornelius, le Prince, gardait son attitude brave, ainsi, il ne bougeait pas, se tenant avec allure malgré une dégaine légèrement négligée, oui, il fallait bien l’admettre. Ce ne fut qu’en entendant son vrai prénom qu’il sourcilla à peine, comme s’il était surpris, qu’entendre ce nom était une chose qui avait été interdite pendant une éternité. Cornelius, c’était pourtant bien son nom, et il s’en souvenait. Hochant la tête à gauche puis à droite, le Prince des fées semblait réfléchir, puis il reprit la parole, d’une voix étrangement douce – ils ne s’étaient pas franchement parlé à Storybrooke.

« Oui. C’est moi. Enfin… ». Il observa le plafond, visiblement perdu sur certains points. « Une partie de moi ? Je ne sais pas vraiment, tout ça est… Tellement perturbant. ». Être perdu entre deux êtres différents n’était pas une chose facile à vivre, il y aurait de quoi en devenir bipolaire, mais par chance, ce n’était pas le cas de Cornelius, même si, dans le fond, Aymeric avait une consonance bien plus jolie malgré une fin des plus nettes. Plongeant son regard dans celui de la jeune femme, il tourna ensuite la tête vers la porte de la boutique, il ne fallait pas que quelqu’un les dérange alors il verrouilla et apposa le panneau « CLOSED ». « Je voulais venir te parler plus tôt mais… Je n’osais pas. Je pense que j’avais honte. ». Il baissa les yeux comme un enfant pris en faute, c’était une sensation bizarre. « Je n’ai jamais vraiment eu besoin de m’excuser par le passé, mais je pense que cette malédiction a mis un point d’honneur à tout chambouler alors… Je suis venu te présenter mes excuses. ». Pour ses « erreurs » commises sous le prénom d’Aymeric ? Oui ça c’était sûr, surtout lorsque l’on comprenait à présent que l’on avait – cela dit en passant – couché avec la Reine Blanche du Pays des merveilles.

S’il y avait bien un aspect de personnalité qui restait intact lorsqu’il s’agissait de Maja, c’était sa capacité à être honnête. Cornelius ne pouvait pas se montrer malhonnête avec sa femme, joueur et malicieux comme lors de leur rencontre, oui, mais jamais malhonnête. Aymeric tout comme Cornelius conservaient donc cela, et c’était probablement une très bonne chose, si tant est qu’Astrid daigne écouter. A n’en pas douter, Cornelius raserait bientôt cette barbe de près et sentirait l’eau de Cologne, sans parler de ses cheveux qui serait également maintenus en place et qui seraient maitrisés. Pour l’heure, il ne quittait pas sa femme des yeux, et espérait qu’elle comprendrait, qu’elle accepterait ses excuses. Oui, il l’espérait sincèrement, car la conversation était lancée à présent.

Un frisson lui parcourut l’échine. L’expression être foudroyé prenait tout son sens : Astrid se sentait vraiment incapable de bouger, incapable même de penser convenablement parce que tout se bousculait dans sa tête. Quand ses souvenirs lui étaient revenus, elle les avait mis de côté, se croyant folle. Puis, comprenant qu’ils étaient vraiment vrais, elle s’était demandée pourquoi Cornelius ne venait pas la rejoindre... Tous les jours, elle se prenait à espérer ce moment où il pousserait enfin la porte et maintenant qu’il était face à elle, elle comprenait également que s’il revenait, il la ramènerait probablement à Fairyland... Or, elle s’accrochait de toutes ses forces à sa petite vie tranquille et normale de Storybrooke. Naïve, elle l’avait suivi parce qu’il était le premier qu’elle avait rencontré et il avait apporté tellement de soleil dans sa vie. Elle avait même passé plusieurs longs mois à le chercher, alors qu’une grenouille l’avait kidnapper. Puis un hanneton. Brrr. Un autre frisson lui parcourut l’échine, songeant à quel point elle ne souhaitait pas les recroiser. Eux ou même ce rat. Et cette taupe affreuse. Il n’avait pas été le seul à se montrer infidèle, elle-même s’était fourvoyée plusieurs fois. C’était aussi ce qui l’avait retenue dans sa serre. L’aimait-il vraiment ? Ou bien était-ce juste qu’elle avait été trop bête à l’époque ?

Face à face, Astrid était aussi gênée que lui. Ce fut avec des gestes un peu maladroits qu’elle déposa une cisaille sur le plan de travail. Cornelius. Il était là. Mais que venait-il lui dire ? Qu’il s’était marié ? Tombé amoureux d’une autre ? Qu’il valait mieux en rester là et oublier cette amourette sans lendemain qu’ils avaient partagés ? « Je suis bien d’accord ». Le ton de sa voix avait baissé considérablement sur les derniers mots. Elle avait détourné les yeux, faisant mine de s’intéresser à une plante, ramenant son regard sur lui seulement quand il reprit la parole. Ou pas. Non, ce fut le bruit de ses pas qui l’interloquèrent. Il partait ? Non. Il tournait la pancarte. Gosh. Il allait la tuer. Depuis toutes ces années, elle avait eu un stalker dans la ville et voilà que maintenant qu’il découvrait être son mari, il allait se débarrasser d’elle ! Il allait l’assassiner et partir reprendre sa vie comme si de rien n’était ! Elle recula d’un pas prestement, cherchant déjà une issue du regard. Rien. Elle n’aurait jamais le temps d’atteindre la porte arrière ! Déglutissant, se sentant prise au piège, elle sursauta et le regarda avec consternation quand il expliqua qu’il voulait venir depuis un moment mais n’avait jamais osé. What the f... ? Biiiiip. Des excuses ? « Des excuses ? », répéta-t-elle à voix haute. « Par rapport à quoi exactement ? » Oui autant savoir maintenant...

Elle se mit à réfléchir. S’il parlait du mariage, elle y avait mis aussi quelques coups de canif. Tout le monde sûrement. Alors comment pourrait-elle décemment lui en vouloir ? Non ce n’était pas ce qui la tracassait. « Tu es en train de me quitter ou de me demander le divorce ou... ? ». Prudence. Maja se montrait prudente face à cette situation, essayant de comprendre et surtout de ne pas éveiller de vains espoirs. Se mordant la lèvre nerveusement, elle ne cachait pas être contrariée. Une fois qu’il l’aurait rassurée, la jeune femme ne perdrait pas de temps pour lui annoncer ses conditions. « Je ne veux pas quitter Storybrooke. Je... Je me sens normale ici... Et j’ai des amis. Alors si jamais tu comptes retourner là-bas, je ne te suivrai pas... Je suis vraiment désolée mais j’aime mieux cette vie ici que... Là bas. ». Oui, elle avait toujours complexé sur sa petite taille jusqu’à leur rencontre. Baissant les yeux, elle priait pour qu’il comprenne. Et ne parte pas. Mais s’il partait, elle saurait qu’elle s’était tout simplement trompée. Les contes, c’était pour les enfants et les happy ends n’arrivaient que dans des histoires ou des rêves. Ce monde-ci était réel. Elle n’avait besoin d’aucune autre certitude. Surtout qu’il avait beaucoup changé et elle peinait tellement à le reconnaître. Il se montrait toujours aussi franc avec elle mais... « Concernant tes excuses, je pense qu’on ferait mieux d’oublier... ». Ils n’avaient en effet aucune responsabilité là dedans. Ils avaient été victimes d’un sortilège et ils avaient perdu leurs souvenirs. Mieux valait donc tirer un trait. « Allons de l’avant ! ». Optimiste, la jeune femme força un peu son sourire mais ce n’était pas simple du tout à vivre et à surmonter. Devaient-ils tout se dire ? Non. Non elle préférait ne pas tout savoir.

Aymeric se sentait mal à l’aise et gêné. Gêné car il n’avait pas été l’enfant de cœur qu’il était supposé être en tant que Prince, et dans le fond, vis-à-vis de sa femme ça le rendait nerveux. Il ne savait pas ce qu’Astrid pensait de lui à présent. Si elle avait entendu toutes les rumeurs à son sujet cela pouvait être catastrophique… Et pourtant, il se trouvait là devant elle, prêt à s’excuser, il venait juste de le faire d’ailleurs. A en juger par l’attitude de Maja, elle ressentait la même chose, une certaine nervosité, de la gêne, peut-être une pointe de colère ? Il ne saurait vraiment dire mais il espérait que les choses ne soient pas brisées entre eux, car maintenant qu’il se souvenait il comprenait mieux ce besoin incessant de l’observer depuis l’autre côté de la route. Cette nécessité de « veiller » sur elle quand il le pouvait, de façon indirecte. Il était conscient que cette attitude pouvait être des plus étranges, surtout lorsqu’ils s’étaient oubliés, mais dans le fond c’était comme si les évènements avaient tout fait pour qu’ils se retrouvent, sans même le savoir. Cette manie de venir guetter sa petite tête rousse tous les matins, la voir arroser ses plantes ou tout simplement sourire aux clients. Aymeric était amoureux d’elle c’était évident, du moins Cornélius l’était et ça le perturbait, il ne savait plus vraiment qui il était supposé être au juste…

Quand elle répéta à voix haute et lui demande pourquoi il voulait s’excuser, le Prince des fées sortit de sa légère léthargie et papillonna des yeux un instant. « Pour ne pas être venu te voir plus tôt… En premier lieu. Et puis pour… ». Il se tût, ne sachant vraiment par où commencer, c’est qu’il avait fait tellement de conneries ici à Storybrooke qu’il ne savait pas par laquelle commencer. Heureusement pour lui, il fût interrompu car Astrid lui posa une autre question. Cette dernière le fit tressaillit et froncer les sourcils. « Quoi ? Non non, bien sûr que non ! Pourquoi est-ce que je voudrais divorcer, je… On a même pas eu le temps de profiter de notre… mariage. ». C’était bien vrai ça. Il la regardait sans être sûr de comprendre, il allait lui demander si elle voulait divorcer mais encore une fois elle le devança en exposant ses conditions. Relevant les yeux sur elle, Cornélius la laissa expliquer qu’elle préférait sa vie ici, oui, c’était compréhensible, elle n’était plus de petite taille et pouvait vivre comme tout le monde. Le Prince hocha la tête et esquissa un petit sourire comme elle dit qu’il fallait aller de l’avant. « Je comprends, je ne suis pas prêt pour retourner à Fairyland et affronter le regard de mes… Parents. Enfin le regard des autres quoi… ». Oui, il se sentirait un peu honteux. « Et puis, tellement de choses nous sont arrivées ici, je ne suis pas sûr que nous soyons prêts à reprendre une vie féérique… Là-bas. ».

Sur ces mots, Aymeric lui rendit son sourire, un franc sourire, le premier depuis des mois, des années d’ailleurs. Le jeune homme se souvenait de tout et savait avoir des principes, mais entre son identité d’aujourd’hui et celle d’avant il y avait un gouffre, et il n’arrivait pas encore à départager lequel des deux il voulait être, en attendant il était un mix, probablement comme la majorité des êtres vivants à Storybrooke. C’est alors qu’il fit quelques pas pour se rapprocher d’elle. Il ne la quittait pas des yeux et malgré ses cheveux en bataille et sa barbe de plusieurs jours, il conservait toujours ce même regard de chien battu, regard qui savait être malicieux et joueur en d'autres occasions. « Tu m’as manqué. ». Ca c’était bien vrai, et pour lui prouver il lui prit la main doucement, ne voulant pas la brusquer en déposant ses lèvres contre les siennes, ils étaient tous deux perturbés alors aller trop vite ne serait pas une bonne idée. « Et si on reprenait tout… Depuis le début ? ». Il esquissa un léger sourire, relevant une nouvelle fois ses prunelles brunes dans les siennes. « Bonjour Mademoiselle, enchanté de vous connaître, je m’appelle Aymeric Cornelius Dunham, Photographe mais également Prince des fées dans une autre réalité. ». Son sourire s’élargit pour devenir un peu plus espiègle, le Cornelius connut n’était pas loin, et comme Astrid ne voulait pas savoir ce qu’il avait fait par le passé, à Storybrooke, il valait mieux ne pas en parler du tout. De toute manière il n’était pas prêt pour révéler cette partie de sa vie.

Et puis, en homme galant qu’il savait être, il lui fit un baise main sans la quitter des yeux. Charmeur. Oui.

Des questions se bousculaient également dans la tête de la rouquine. Ici, elle cultivait et vendait des fleurs. Elle avait une serre et pas une simple boutique de fleuriste comme les autres. Ici, elle avait une taille normale et des amies. Plein d’amies. Elle n’était pas une princesse, ni une fée. Juste une jeune femme qui profitait de la vie sans trop se pose de question. Pleine de joie de vivre, elle était également beaucoup moins naïve. Et à présent que Cornélius revenait dans sa vie, Maja se demanda si elle devait vraiment poursuivre leur histoire. Lui-même avait sûrement beaucoup changé. Et puis, ils avaient chacun mis un coup de canif à la fidélité. Certes, ils ignoraient alors la vérité sur leur passé mais était-ce quelque chose de facile à surmonter ? Leur amour était-il prédestiné ? Alors qu’il était face à elle, elle eut sur le moment envie d’y croire. Mais avant d’accepter de lui confier son coeur, elle devait éclaircir et énoncer plusieurs de ses conditions.

Haussant un sourcil, elle commença par lui demander de quoi il s’excusait. Ne pas être venu plus tôt... Oui, que devait-elle conclure de ça ? Avait-il eu des doutes ? Envie de partir et de l’oublier ? Etait-il amoureux d’une autre maintenant ? « Pour ? » Tant d’incertitudes et de non-dits. « Il y a quelqu’un d’autre ? » La question avait fusé malgré elle. Une petite pointe de jalousie dans les yeux, elle détourna le regard sur un rouleau de scotch qui traînait par là. Elle l’attrapa et jouait nerveusement avec pour trouver le bout, le décoller, et le replier sur lui-même pour ne pas avoir à le retrouver quand elle aurait besoin de s’en servir. Il voulait sûrement divorcer. La fameuse question tomba donc finalement. Et il lui répondit que se séparer n’était pas vraiment ce qu’il envisageait. Ah. Et parce qu’ils n’avaient pas eu le temps de « profiter ». Right. « Je ne sais pas à quelle partie du mariage tu fais référence mais ... J’ai eu des aventures ici ». La vérité était sortie. Mais elle était honnête et ne voulait certainement pas que ces secrets ne viennent pourrir leur relation par la suite. Autant tout marquer sur l’ardoise pour pouvoir l’effacer proprement. Quoiqu’au fond, elle le testait un peu aussi. Elle avait ainsi relevé la tête et l’observait avec attention. Jalousie ? Colère ? Déception ? Que lirait-elle en lui ?

Il restait encore un détail à éclaircir. Il ne servait à rien de rester ensemble si les chemins divergeaient. Elle préférait mettre fin à leur relation plutôt que d’être malheureuse toute sa vie. On n’était plus au Moyen-âge ici ! « Je ne veux plus d’une féérique, Cornélius. Je ne veux plus voir le monde à travers les serrures. Je veux rester ici, faire le métier que j’aime et côtoyer tous ces gens que j’ai appris à connaître... J’ai des amis ici. Des amis qui ne pensent pas constamment à la nature, ou à la magie. Une vie normale. » Alors ses parents, autant dire qu’elle s’en tamponnait bien. Ils pouvaient bien péter un scandale que cela ne lui ferait ni chaud ni froid. Elle n’obligeait en rien leur fils chéri à la suivre. « En ce qui me concerne, je ne serai plus jamais prête ». Le message était clair. Il ne fallait plus envisager un quelconque retour.

La flamme qui s’animait dans ses yeux montraient bien sa volonté. Il ne pourrait pas espérer la faire changer d’avis car le ton était catégorique. Mais il ne pouvait s’en vouloir d’avoir fait de mauvaises choses alors qu’ils avaient tous perdu leur identité. Sans passé, comment envisager l’avenir ? C’était difficile de vraiment se connaître, de savoir qui l’on était vraiment... Il brisa enfin la distance entre eux. Astrid ne le quitta pas des yeux. Il était vraiment négligé... Et son regard de chien battu avait toujours quelques effets... « Vraiment ? ». Elle avait du mal à le croire parce qu’il ne lui avait pas manqué. Elle avait cherché à le retrouver plus ou moins consciemment mais il ne lui avait pas manqué. Et quand ses souvenirs étaient revenus, elle s’était simplement sentie honteuse et horrifiée. « J’aimerai pouvoir en dire autant mais il faut se souvenir des gens pour... qu’ils nous manquent. » Il avait pris sa main alors qu’elle répondait. Et d’être interloquée. « Reprendre depuis le début ? ». Quelle idée... Elle hésita. Longuement. « Enchantée. Poucelina. Maja. Je produis et vends des fleurs et... Je n’étais pas grand chose, avant. » Il lui fit un baise-main dans les règles de l’art, sans poser ses lèvres dessus (car tout rustre n’y connaissant rien n’aurait pas manqué de le faire. « C’est un peu trop bizarre de repartir de zéro quand même... Mais je suppose que nous devrions commencer par un café ou un verre... ? ». Ce jeu auquel il jouait, il risquait malgré lui de s’y brûlait les ailes car la jeune femme allait nourrir ses doutes. Il lui donnait l’opportunité de remettre leur relation en question.

Le Prince des fées ne quittait pas la rousse des yeux, à bien y réfléchir il ne l’avait jamais vraiment quitté des yeux, même lorsqu’il avait tout oublié d’elle. Nul doute qu’il avait dû être flippant si jamais elle l’avait grillé plusieurs fois à regarder. Toutefois, si Astrid avait des amis ici, ce n’était pas forcément le cas du jeune homme. Il était drôle de voir combien les rôles avaient pu s’inverser avec la malédiction. Aymeric était passé de Prince à moins que rien en un battement d’aile, et Astrid avait su apprécier ce qu’on lui donnait. Cependant, qu’ils soient à Fairyland ou à Storybrooke, la jeune femme ne manquait pas de caractère et de franchise, c’était ce qui lui avait toujours plu dans le fond, et il la retrouvait. L’avoir en face de lui était comme un soulagement, bien qu’il craigne qu’elle ne veuille plus de lui, qu’elle le repousse pour une raison ou une autre. D’ailleurs, elle crut même qu’il allait lui demander le divorce. Surpris, il insista sur le fait que non, bien sûr que non il ne venait pas lui annoncer qu’ils se séparaient, ils n’avaient même pas pu profiter de leur statut de jeunes mariés. Cornélius pensait la question passée quand elle renchérit en demandant s’il y avait quelqu’un d’autre. Plissant le nez et fronçant les sourcils d’incompréhension, le Prince pencha la tête. « Quoi ? Non, il n’y a personne d’autre, pourquoi t’obstines-tu à vouloir qu’il y ait une autre femme ? ». Oui, certes, il avait charmé quand ils n’avaient aucun souvenir, et ils avaient eu quelques femmes dans son lit mais de là à dire qu’il était amoureux de quelqu’un d’autre, ça non ! L’éclair de jalousie, en revanche, ne passa pas inaperçu et le cerveau du Prince le nota dans un coin. Elle ressentait toujours quelque chose pour lui, c’était indéniable. Il n’en fallut pas plus pour soulager davantage notre pseudo héros des contes de fées. Enfin ça, c’était jusqu’à ce qu’elle n’avoue avoir eu des relations avec d’autres. Aymeric se figea instantanément et la regarda comme si elle venait de parler en langue étrangère. « Vraiment ? ». Il arqua un sourcil, sentant sa mâchoire se crisper légèrement, jaloux et un peu possessif ? Oh ça oui clairement mais il y avait ces souvenirs qui… « Je suppose que je ne peux pas t’en vouloir puisqu’on ne se souvenait plus de rien… Et j’ai moi-même eu une aventure… Ou deux. ». D’un geste nerveux il passa une main dans ses cheveux désordonné, inspectant chacune de ses réactions.

Bon, à priori ils avaient tous les deux été infidèles, plus ou moins, alors on pouvait dire qu’il y avait balle au camp ? Match nul ? Même si dans le fond… Ca le gênait un peu quand même et perturbait ses vieilles pensées de Prince. Car il y avait toujours ce problème, il se sentait perdu entre deux, comme si son corps était lui-même scindé en son centre de bas en haut et qu’il n’était plus une seule et même personne. Il y avait de quoi perdre la boule. Pour autant, la discussion n’était pas terminée car Astrid mit un point d’honneur à préciser qu’elle ne voulait pas retourner à Fairyland, là où elle n’était pas plus grande qu’un pouce. Oui, ça pouvait se comprendre mais le risque là-dedans, c’était que Cornélius n’en vienne à avoir le mal du pays, surtout lorsque l’on ne se sentait pas si à l’aise que ça à Storybrooke, non seulement à cause de quelques passifs qui pouvaient vous gâcher la vie, ou pire, vous envoyer passer quelques nuits dans l’enceinte du bâtiment préféré du shérif.

Aymeric écouta la jeune femme sans broncher, il comprenait ses raisons et les acceptait, du moins pour le moment, cela ne voulait pas dire qu’il n’essaierait peut-être pas plus tard de lui faire comprendre qu’ils pourraient peut-être rentrer… Pendant un temps ? Nul ne pouvait prédire l’avenir, mais une chose était sûre, ses ailes finiraient par lui manquer. Tout comme elle lui avait manqué elle, dès l’instant où sa mémoire lui était revenue. Il s’approchait d’ailleurs de Maja, prêt à franchir ce pas-là avec elle. Il lui avoua qu’elle lui avait manqué mais elle ne semblait pas convaincue, oui, il leur faudrait sûrement du temps pour qu’ils se retrouvent et comprennent qu’ils étaient faits l’un pour l’autre. Enfin si c’était vraiment la fin heureuse qu’ils étaient censés avoir. Comme certaines habitudes étaient ancrées en lui, il se fit plus charmeur et lui proposa de reprendre tout depuis le début, ou presque. Il se présenta donc et entendit celle de la rousse. Oui, bon… Elle semblait mettre un point d’honneur à lui rappeler qu’à Fairyland elle n’était « rien ». Il pensait avoir saisi cette information importante : elle ne voulait plus y retourner, du tout, ad vitam aeternam. Une fois qu’il eut fait son baise main dans les règles de l’art, Aymeric se redressa sans la quitter des yeux. « Je suppose qu’un verre ou un café serait approprié en effet… Est-ce que je peux t’inviter à en boire un ? Ce soir après ton travail ? ». Lui n’en avait pas vraiment alors c’était plus du temps à tuer qu’autre chose, on ne faisait pas appel à un photographe tous les jours… Et puis, il y avait bien deux trois personnes qu’il lui faudrait voir.

Tout était si étrange maintenant... Astrid était un peu perdue. C’était comme si elle se réveillait d’un long sommeil où la réalité avait parfois rattrapé le rêve, rendant les limites tellement floues qu’elle ne savait plus très bien que croire. Et puis, comme pour être certaine de ne pas s’engager avec un goujat maintenant qu’elle était mieux avertie sur le caractère des hommes, du moins à Storybrooke, la rouquine le passa à la casserole pour savoir si une autre femme était concernée. « Parce que ce ne serait pas étonnant... Certains sont tombés amoureux d’autres femmes ici que la leur... Je veux juste m’assurer que les choses soient claires entre nous. » Beaucoup plus sûre d’elle et toujours aussi entêté, Astrid alias Poucelina se montrait plutôt revêche. Pas question qu’il la pense naïve. Ce temps là était loin maintenant. Avec une certaine fierté, elle eu même l’audace d’ajouter « Ou même des femmes qui ont pu tomber amoureuses d’un autre... ». Laissant volontairement sa phrase en suspens, elle le testait. Guettant chacune de ses réactions, elle poussa les aveux plus loin, avouant avoir connu d’autres hommes. Hochant la tête, se montrant à la fois franche et craintive de perdre un être pour lequel son coeur battait toujours, elle eut en même temps l’immense satisfaction de lire la jalousie sur son visage. Les traits figés, le sourcil arqué... Un délice aux yeux de la jeune femme. Elle n’insista pas, relevant le menton, très fière. Jusqu’à ce qu’il n’avoue quelques aventures.

Contrariée, son regard se durcit et elle détourna la tête, comme pour montrer combien elle essayait d’être détachée, comme si cet aveu ne la blessait pas. « Oui... Bien sûr... Tu n’es séduisant après tout, le contraire m’aurait inquiété... ». Elle même était nerveuse. Fière mais nerveuse. Haussant les épaules, comme pour insister sur un langage corporel nonchalant alors qu’elle se retenait de se jeter sur lui pour lui arracher ses vêtements et ... Stop. Elle s’égarait là... Astrid secoua la tête pour remettre ses idées en places. Il y avait le sujet Fairyland. Une fois ses intentions bien éclaircies, ses conditions posées, elle souffla enfin. Mais la distance entre eux demeurait.

Aymeric commença alors à vouloir tout reprendre de zéro. L’idée lui parut bizarre et pas forcément bonne sur le moment. Surtout que... « Je pense que ce sera le moment de vérité. ». Lâchant sa phrase, comme ça, ravageant le peu de confiance qui leur restait, elle poursuivit son explication. « Nous avons tous les deux eu des aventures mais nous ne sommes jamais retrouvés alors que beaucoup y sont parvenus... Peut-être que nous ne sommes pas vraiment destinés à être ensemble... ». Oui, de son côté, elle s’interrogeait vraiment depuis plusieurs jours. Il n’était pas venu tout de suite. Il était négligé. Le prince dont elle était tombée amoureuse était loin à présent et surtout cette vie... N’avait-il pas impliqué quelques minutes auparavant qu’il souhaitait retourner là bas ? Et penser que leur vie ici n’était que temporaire ? Elle n’avait pas vraiment eu le choix avant : elle-même était une exception, il était tombé sur elle un jour, par hasard. Il était le premier homme de sa taille qu’elle rencontrait... Il était séduisant, il l’avait charmé, elle en était tombée éperdument amoureuse car il avait su trouver les bons mots mais... C’était facile. Alors que maintenant, elle avait le choix. Peut-être qu’un autre homme lui correspondrait mieux. Peut-être qu’il avait besoin d’une fée et pas d’un produit issu de la magie. D’ailleurs, était-elle réelle ? Ce que la magie faisait, elle pouvait le défaire. Alors que risquait-elle d’avoir ? Pourrait-elle redevenir une graine ? « C’est d’accord pour ce soir. Je fermerai sûrement à 20h. » Esquissant un sourire, son regard était pourtant rempli de doutes.

Astrid ne savait plus. Etaient-ils destinés l’un à l’autre ? Elle, elle s’était battu pour lui. Elle avait dû s’enfuir des mains d’un crapaud, d’un rat et d’une taupe et même d’un insecte qui l’avait tourné en ridicule. Pas un pour rattraper l’autre. Mais dehors... Il y avait des hommes bons. Il y avait peut-être quelqu’un qui n’était pas lié à la magie car oui, la magie lui faisait de plus en plus peur. S’ils n’étaient pas arrivés là, ils seraient mariés, ensemble et...Heureux ? Etait-elle vraiment heureuse après leur mariage ? Ne lui avait-on pas demandé d’être une petite princesse parfaite ? Non. Non, tout ça c’était des foutaises.

Le Prince des fées n’avait pas pour habitude de se faire passer à la casserole, il subissait un véritable interrogatoire test. De ceux qu’il aurait pu passer au sein d’un commissariat, même si ce dernier serait sûrement différent et d’un autre genre de celui auquel il faisait face en ce moment-même. Dans le fond, Astrid avait parfaitement raison de s’assurer des sentiments du jeune homme pour elle, et il ne lui en voudrait jamais pour ça. Tout ceci était tellement nouveau… Leurs souvenirs retrouvés, souvenirs d’un autre temps, comme d’une autre vie même, et qui se mêlaient à des souvenirs bien plus réels, bien plus ancrés en eux à présent. Aymeric ne se sentait pas capable de tout lui dire, et il devait probablement en être de même pour la rousse. Il fallait dire qu’il n’avait pas été un réel exemple de bonté et de sincérité dans cette ville, bien loin de ce qu’il était supposé être. Observant Astrid, il arqua un sourcil, surpris quand elle évoqua l’idée qu’il puisse être avec une autre femme. Bien sûr, à son explication, il comprit où elle voulait en venir mais… « Ce n’est pas mon cas. Les choses sont claires entre nous. ». Il ne la quittait pas des yeux et avait répondu sérieusement, mais lorsqu’elle souleva l’hypothèse que peut-être ce fut elle qui était tombée amoureux d’un autre, il se raidit, redressa son buste et fronça les sourcils, peu sûr de comprendre ce qu’elle voulait dire. « Ce serait ton cas ? ». Il attendait que la réponse tombe, l’air soudainement sombre de jalousie à l’idée qu’elle n’ait pu tomber amoureux d’un autre que lui.

Elle lui avoua avoir eu quelques aventures, oui, c’était « normal », il ne pouvait pas lui en vouloir, mais sa réaction avait été également unanime. L’idée qu’on puisse toucher à sa femme le rendait dingue, quand bien même il se contenta de l’observer inlassablement tel un stalker pendant des années, ici, à Strobybrooke, sans oser faire le premier pas. Il faudrait qu’il lui avoue… Qu’il lui avoue l’avoir plus ou moins protégée sans savoir, sans savoir qu’ils étaient mariés, mais il avait toujours ressenti quelque chose d’étrange à son sujet quand ils étaient amnésiques. Aymeric lui dit qu’il ne pouvait pas lui en vouloir de l’avoir trompé, car ils ne se rappelaient alors pas l’un de l’autre, et c’était le joug d’une malédiction, quelque chose qui n’était donc pas de leur ressort. Toutefois, la jalousie et la contrariété s’étaient insinués dans ses veines et il ne put le cacher, il n’avait jamais vraiment pu lui cacher des choses, c’était une des raisons pour laquelle il craignait qu’elle ne découvre son plus horrible secret. Le Prince avoua à son tour qu’il avait eu une aventure ou deux, par ci et par là… Il put lire la contrariété d’Astrid mais ça ne le fit pas sourire, si ça le rassurait vis-à-vis des sentiments qu’elle éprouvait pour lui, il n’en demeurait pas moins joyeux pour autant. Aymeric ne put cependant laisser échapper un léger petit sourire en l’entendant complimenter son physique. « Le contraire m’aurait également étonné te concernant Maja, même si je ne peux cacher un certain agacement de savoir qu’un autre ait pu t’aimer et te toucher à ma place… ». Au moins il était honnête, et il le disait à voix haute.

Ce ne fut qu’après que le sujet fairyland fut entamé et il comprit bien que la chose serait non négociable avec elle. Etait-il prêt à renoncer à ses ailes ? Il n’en savait rien. Et puis peut-être que si la magie revenait à Storybrooke, il n’aurait pas besoin de retourner là-bas, sur ses terres où il était normalement voué à être Roi. Etait-ce vraiment ce qu’il voulait ceci dit ? Après tous ces évènements, tout ce qu’il lui était arrivé ? Probablement pas… Il ne s’en sentait pas la carrure, ni même l’étoffe.

Aymeric se rapprocha alors de la jeune femme et lui fit un baise main dans les règles de l’art, il lui soumit l’idée de tout reprendre à zéro, du moins presque zéro, et la rouquine lui fit soudainement part de ses doutes. Et s’ils n’étaient pas faits l’un pour l’autre ? Cornélius leva les yeux sur elle, d’un air très sérieux et aimant, lui n’avait aucun doute. « Je sais que cela peut être déroutant mais… Je t’avais trouvé dès le deuxième jour, sans même le savoir réellement. Je… ». Il baissa les yeux et hocha la tête. « Je ne suis peut-être pas venu te voir, mais… J’étais là. C’est un sujet dont il faudra d’ailleurs qu’on parle mais… Pas maintenant, pas tout de suite. ». Il lui sourit timidement et gardait sa main dans la sienne en lui proposant d’aller boire un café, ou un verre. « Nous pourrons en discuter plus calmement. ». Quand elle accepta d’aller boire un coup avec lui le soir-même, Aymeric sourit, soulagé et vint déposer un baiser sur sa joue amoureusement. « Je passe te prendre à 20h alors. Je crois en nous. ». Il lui sourit à nouveau puis lâcha sa main à contrecœur. « Passe une bonne journée. ». Il prit la direction de la porte et se retourna pour la regarder, lui adressant un petit sourire timide et quitta le magasin.

Le Prince des fées tourna en rond toute l’après-midi durant et remua ciel et terre dans tout son appartement afin de comprendre tout ce qu’il avait réellement fait pendant toutes ces années. Dans un coin trainait des clichés de grandes tailles d’Astrid, pris sur le vif, et imprimés sur du papier glace impeccable. Oui, Astrid avait plus ou moins été une certaine obsession pendant un temps, pendant même tout ce temps… Il en profita pour arranger ses cheveux et se rasa entièrement, chose qu’il n’avait visiblement pas faite depuis plusieurs jours. Il se devait d’être présentable, un minimum. A 20h, il fut devant la boutique, attendant sa belle.

S’il n’était pas habitué à ce genre d’interrogatoires (bien qu’il avait dû être pincé une fois ou deux par un agent de police), Astrid ne s’en préoccupait guère. Elle avait besoin d’avoir des réponses. Parce que si elle ne savait pas vraiment encore sur quels pieds danser, elle admettait avoir toujours des sentiments pour lui. Il lui assura qu’il n’y avait ainsi aucune autre femme. Si la nouvelle la rassura, elle ne sut cependant si elle voulait vraiment retourner avec lui comme si de rien n’était. D’ailleurs, se croyait-il toujours en terrain conquis ? Comme un chat jouant avec une souris, la rouquine souleva l’idée que s’il n’avait rencontré personne, ce n’était peut-être pas son cas à elle. Sa jalousie, elle le lut sur son visage et son attitude. Sa posture changea en un instant. Penchant la tête sur le côté quelques secondes, elle semblait réfléchir. C’était qu’elle cherchait les bons mots et hésitait à être sincère. Voulait-elle ouvrir la porte ou la fermer ? L’entrebâiller suffirait-il ? Elle soupira. « Non. Mais que tu ne l’aies pas envisager est vexant. » Levant le nez, comme pour bouder, elle le regarda du coin de l’oeil. « Tu penses qu’il suffit de revenir pour être à nouveau ensemble, comme avant ? Les choses sont compliquées maintenant... ».

Déjà parce qu’elle avait eu des aventures. Ce qu’elle ne tarda pas à lui révéler d’ailleurs. Cherchait-elle à le blesser ? Non. Bien sûr que non. Simplement, elle avait besoin de connaître ses sentiments à lui. L’aimait-il toujours comme il le prétendait ? Si elle avait remarqué avoir un stalker aux basques, elle n’aurait jamais deviné qu’il s’agissait de son mari. Il lui pardonna quand même ces incartades, bien heureusement et elle lui pardonna les siennes. Il serait mal venu de lui en vouloir même si tout ça nourrissait un doute affreux qui lui remplissait peu à peu le coeur : et s’ils n’étaient pas faits l’un pour l’autre ? Après tout, ici, ils ne s’étaient jamais retrouvés. Elle ne l’avait jamais spécialement regardé et il n’était jamais vraiment venu jusqu’à ce jour... Un frisson lui parcourut l’échine quand il expliqua ne pas aimer qu’un autre ait pu la toucher. Ne sachant quoi lui répondre, elle garda encore une fois le silence.
Renoncer à ses ailes... Astrid ne mesurait certainement pas le sacrifice qu’elle lui demandait. Dans son esprit, ils avaient vécu de longues années à Storybrooke sans connaître leur véritable identité. Un monde sans magie. A priori. En fait, elle pouvait toujours s’y exprimer mais c’était un monde où elle était normale, comme les autres. Et lui aussi. Ils avaient longtemps vécu ainsi et cette vie là lui convenait parfaitement. Ici, ils pourraient vraiment fonder une famille. Elle ne serait pas petite. Elle ne serait pas Poucelina mais juste Astrid, fleuriste dans le quartier.

Alors que son prince recommençait ses petits jeux de séduction, la jeune femme se montra soudain plus revêche. C’était qu’elle se souvenait être celle qui avait tout fait pour le retrouver. Et ici, elle ne l’avait pas cherché. Il lui avait manqué oui. Et inconsciemment, elle comprenait pourquoi elle ne parvenait pas à s’attacher aux autres mais maintenant : voulait-elle rester avec lui ? Après tout, avant lui, elle n’avait pu connaître d’autres hommes. Sa taille miniature l’en empêchait. Mais un tout nouveau monde plein de possibilités s’ouvrait à ses pieds. Devait-elle y renoncer encore ? Ne devrait-elle pas déjà s’assurer qu’il était vraiment le bon ? Et s’il ne l’était pas, ne devait-elle pas donner une chance à cet autre homme qu’elle n’avait pas encore pu croiser. Ne lui cachant rien de ses doutes elle l’entendit lui raconter qu’il l’avait trouvé dès le deuxième jour. What ? Haussant un sourcil, Astrid le toisa du regard. Il lui racontait ça pour lui faire plaisir ou quoi ? Parce qu’il l’avait peut-être trouvé mais avant ce jour, il n’était jamais vraiment venu lui parler ou lui faire la cour. Comment devait-elle le prendre ? N’était-elle qu’un devoir pour lui ? Cherchait-il seulement à ne pas la peiner, à ne pas lui manquer de respect ? « Pourquoi tu n’es pas venu ? ». Bien sûr, il ne voulut pas s’étendre sur le sujet. « Oh, très bien ». Le problème, et Aymeric ne tarderait pas à le comprendre, c’était qu’avec Astrid, il ne fallait jamais attendre. Plus il lui donnait d’espace, et plus elle remettrait en cause leur relation. « A ce soir. », elle hocha la tête et ajouta : « Merci, toi aussi ». S’il croyait en eux, elle en revanche se disait à présent qu’il était soit trop lâche soit... Soit il avait fait un choix et maintenant il était tout simplement obligé de revenir. Il le faisait par pitié ou... Mais pourquoi était-il jaloux ?

Heureusement, elle n’avait pas vu tous ces clichés volés qu’il avait fait. Autrement, elle se demanderait si elle n’était pas avec un prince devenu fou et serait définitivement certaine qu’il n’était plus un homme pour elle. A 20h, elle était prête. Elle s’était changée pour l’occasion. Ses cheveux étaient arrangés dans les moindres détails et elle guettait son arrivée malgré elle. Aussi, elle reconnut sa silhouette devant la boutique. Attrapant une veste et son sac, elle se rendit à sa rencontre. « Hey ! Je suis prête ! ». Elle ferma la boutique et se retourna vers lui. Là, elle se figea. Wow. Ah oui, sans la barbe, les cheveux coiffés... Elle en était bouche bée. Finalement, elle lui adressa un grand sourire. Elle n’aurait pas honte de lui ce soir...

Aymeric avait tout un tas de raisons qui expliquait pourquoi il n’était pas venu à sa rencontre lorsqu’ils n’avaient encore aucun souvenirs de leur vie passée. Des raisons qui n’aideraient peut-être pas leur relation reprenant une tournure plus « normale », du moins aux yeux du brun. Être avec elle, c’était normal, c’était ce pourquoi il était fait, il le sentait, le savait, mais était-il encore digne d’elle ? C’était une question sournoise qui lui taraudait l’esprit, même lorsqu’il arriva pile à 20h devant la boutique. Ce ne fut qu’en la voyant se tourner vers lui avec un sourire que son malaise sembla s’évaporer pendant un instant. Aymeric lui rendit un sourire sincère « Hey. ». Oui, il s’était rasé, avait pris soin de lui et ressemblait plus à un Prince qu’à quelqu’un qui avait des choses à se reprocher. Cornélius avait toujours été élégant, même lorsqu’il arborait sa tenue de fée aventurière, qui chevauchait les bourdons et qui sautait de fleur en fleur. Voir Astrid lui sourire de la sorte était merveilleux, car il se sentit à nouveau lui-même. Galant, il lui tendit son bras, signalant l’heure du départ et l’emmena jusqu’au bar, salon de thé le plus réputé de Storybrooke. Il n’y avait jamais mis les pieds là-bas, raison de plus pour le tester enfin. Plein de savoir vivre, il lui tira sa chaise et attendit qu’elle ne s’asseye avant de se rendre à sa place.

Aymeric ne semblait pas la lâcher des yeux et esquissa même un autre sourire, attisant sûrement la curiosité de la rousse. « Tu es magnifique. ». Un compliment tout aussi sincère que les sourires qu’il lui lançait. « L’après-midi n’a pas été trop long ? ». Pour lui ça avait été un véritable calvaire même s’il s’était occupé de lui. Il ignorait s’il devait absolument tout lui dire… S’il devait lui parler des photos, des clichés pris à son insu, ou encore de ses quelques vols, et surtout de l’accident… Pour l’heure, il faudrait qu’il lui explique ce qu’il avait commencé à dire plusieurs heures plus tôt, quand il lui avait révélé avoir été là, l’avoir trouvé dès le deuxième jour, et surtout pour quelle raison il n’avait osé venir. Ce serait sûrement un peu lâche comme raison mais… Il se devait d’être un minimum honnête avec elle, elle avait le droit de choisir s’il la méritait ou non en fin de compte.

Un serveur vint prendre leur commande, le Prince des fées laissa sa femme choisir en premier puis commanda un cocktail accompagné d’un plateau d’amuse-bouche. A défaut de dîner pour l’instant, ils auraient au moins des biscuits apéritifs. Observant Astrid, le jeune homme essayait de ne pas craquer et tout lui dire d’une traite, il laissait le temps au temps et préférait avoir une discussion plus ouverte. « Qu’est-ce qui te plait à Storybrooke Astrid ? Hormis le fait d’être de taille normale, ce qui est une raison plus qu’indéniable de vouloir rester, qu’est-ce que tu aimes faire ici ? ». La discussion se voulait agréable, à mille lieux des tracas qu’ils pouvaient rencontrer, car s’il y avait bien une chose qu’Aymeric voulait éviter pour l’instant, c’est de lui donner une image sombre, car il savait pouvoir se renfermer sur lui-même, du moins, son homologue de storybrooke, car le prince des fées était beaucoup plus jovial et enjoué. La malédiction lui avait plus ou moins enlevé cette part de lui, cette part d’insouciance, aujourd’hui, il était double, il ne savait plus vraiment qui il était supposé être en premier, l’enjoué ou l’endurci par la vie « normale ». La vie humaine.

En attendant la réponse de la jeune femme, le prince sirota son cocktail légèrement alcoolisé et picora quelques gourmandises salées tout en observant sa dulcinée du coin de l’œil. Il lui sourit, pour l’encourager, de toute façon il savait très bien qu’Astrid lui offrirait un tableau des plus réjouissant afin qu’il ne regrette pas son choix de rester vivre ici, tandis que ses ailes lui manquaient. Maja ne se rendait probablement pas compte du sacrifice qu’elle lui demandait, mais Aymeric était loin d’être mal éduqué et loin d’être un goujat (sauf avec ceux qui l’énervaient), et il pensait sincèrement que la rousse méritait ce sacrifice, si tant est qu’elle l’aime sincèrement. Cornélius était prêt à renoncer à ses ailes pour elle, pour qu’elle soit heureuse mais également par amour. Il espérait que tôt ou tard elle se rendrait compte de cela, et que cela ferait pencher la balance en sa faveur, malgré des actes de la part de l’amnésique, qui joueraient très clairement en sa défaveur. Oui, il espérait que tout se passe pour le mieux…

Astrid portait une robe fleurie avec un gilet en mailles blanches. Ce n’était pas une tenue de rencard officiel mais suffisamment jolie pour que l’on note l’effort. Chaque détail comptait, la jeune femme en était parfaitement consciente. Le reconnaissant, elle le rejoignit sans hésiter et le salua. Hochant la tête alors qu’il répondait, elle fut cependant bouche bée un moment, alors qu’elle le redécouvrait. Wow. Un large sourire se plaqua sur son visage, l’un de ces sourires lumineux qui se communiquaient entre deux êtres, valant plus que les mots. Prenant le bras qu’il lui offrait, elle se laissa guider jusqu’au bar ou salon de thé. Hunhun. S’asseyant alors qu’il lui avait tiré la chaise, la rouquine avait retiré son gilet et l’avait posé sur la chaise voisine. Lorsqu’elle releva la tête, son prince était déjà assis et l’observait avec un adorable petit sourire qui... Stop. Cornelius venait de lui faire un compliment. « Merci... ». Elle avait reculé le dos contre le bois de la chaise et détourné le regard vers le sol, haussant un sourcil. Elle montrait ainsi qu’elle n’était pas vraiment convaincue par sa sincérité ou bien qu’elle doutait clairement de leur relation. Oui, à ce moment là, elle réalisa qu’elle avait envie d’être ailleurs, elle ne savait plus ce qu’elle voulait ou ne voulait pas et c’était vraiment trop étrange pour continuer cette conversation. Il avait couché avec d’autres femmes. Elle avait couché avec d’autres hommes. The end. Il enchaîna avec une question plus banale. Elle daigna alors relever la tête vers lui et haussa les épaules. « Je n’ai pas eu beaucoup de clients mais j’ai pu m’occuper des plantes et préparer quelques commandes. »

Esquissant un sourire, elle ne lui retourna pas la question parce qu’un serveur approcha. Astrid connaissait bien ce bar, elle y était déjà venue avec quelques amies. Elle attrapa donc la carte et la parcourut des yeux avec une certaine élégance. Elle la reposa, leva les yeux vers le serveur et avec un sourire et une certaine confiance en elle, elle annonça « Ce sera un orgasme pour moi s’il vous plaît ». Elle ne jeta pas un regard vers la fée et pencha légèrement la tête en rendant la carte au serveur. Oui, elle avait voulu le déstabiliser. Pourquoi ? Elle n’en savait trop rien. C’était juste que pour elle, c’était une sorte de jeu. Elle le testait d’une certaine manière. Penserait-il qu’il y avait un message caché derrière sa commande ? L’observant s’éloigner de leur table, là encore elle ramena son regard sur le brun.
Le toisant un moment, elle fut contrariée. Il était en train de vouloir lui prouver par A+B que Storybrooke n’était pas le paradis et que la vie en tant que fée était une vie merveilleuse. Pour lui. Elle n’était pas une fée et ne le serait jamais. Elle n’avait eu que des ailes. Se mordant la lèvre, elle inspira avant de lui répondre. « Voyons voir. Ici j’ai un métier qui me plaît, des amies, et oui, une taille normale ce qui à mes yeux vaut tout l’or du monde. Je peux écraser un scarabée, je peux enfermer un rat dans une cage et une grenouille dans un bocal. Ici, je peux voyager, je peux lire, regarder la télévision ou un film, faire mes courses, cuisiner, m’occuper seule de ma maison et c’est une vraie maison, pas juste un trou dans un arbre aménagé ou bien une fleur magique. Je ne vais pas quitter Storybrooke, Cornelius. ».

Ses derniers mots avaient été dit sur un ton un peu plus vif, un peu plus tranchant. Contrairement à lui, elle semblait bien mieux assumer son nouveau caractère. Là bas, elle était la naïve et pauvre fille qui s’était faite kidnapper par des animaux et qui avait cherché à tout prix à rejoindre un prince qui lui avait fait une promesse. Il avait été le premier être de sa taille à avoir croisé sa route... « Ici, je peux rencontrer un tas de personnes. Des femmes... Des hommes... » Voilà. C’était ce qui lui avait toujours manqué. Depuis toujours, elle avait souffert de cette différence. Lui pouvait changer sa taille, il avait sa magie. Elle, elle n’avait rien. A part sa voix. Son verre devant elle, elle avait croisé les bras le temps de répondre. « Et avoir une famille. » Elle attrapa le pied de son verre qu’elle porta à ses lèvres pour boire quelques gorgées. Non, elle ne réalisait absolument pas le sacrifice qu’elle lui demandait. A vrai dire, elle n’en n’avait aucune idée. « Sincèrement, la balance pour moi est suffisamment claire. Je ne vois pas pourquoi je retournerai dans cette affreuse forêt à voler par ci par là, errer sans but à attendre je ne sais quel miracle. Mon miracle, il est ici. » Plus agressive, elle avait planté enfin son regard dans le sien. Maja, Poucelina, il pouvait l’appeler comme il le voulait mais ce n’était plus la petite mijaurée qui chantait son amour perdu. C’était une rouquine au tempérament de feu et qui n’avait pas froid aux yeux.